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Discours de M. Jean Alain Fleche à Bayeux de 27 janvier 2018

 vice-président de l’antenne caennaise de l’AGASM (association générale des amicales de sous-mariniers)

Monsieur le député

Monsieur le représentant de Monsieur le Maire

Mon Colonel

Commandant

Mon Commandant

Lieutenante

Madame et les membres de votre famille

Monsieur le Président de l'Amicale Bévezier

Messieurs les Présidents des Associations patriotiques

Messieurs les porte-drapeaux

Chers amis

​

Il y a 50 ans, le samedi 27 janvier 1968 le sous-marin Minerve disparaissait au large de Toulon avec tout son équipage. L'épave n'ayant jamais été localisée il est impossible de déterminer les causes exactes de ce naufrage. Les seules certitudes sont les suivantes:

- La Minerve naviguait au schnorchel . Ce type de navigation permet à un sous-marin conventionnel de recharger ses batteries sans faire surface et donc de garder une certaine discrétion.

- Les conditions météo étaient très mauvaises. Le vent violent créait des creux très importants, l'immersion était difficile à tenir, les antennes  submergées en permanence ne permettaient pas de bonnes liaisons radio. 

- L'exercice dans lequel était engagé le sous-marin consistait, pour l'équipage,  à détecter les émissions radar d'un avion avant que celui-ci n'ait le contact. Pour l'avion le jeu consiste à repérer la présence du sous-marin avant que ce dernier ne l'ait fait.

En résumé si les signaux radar sont trop forts, le risque de détection est grand, l'alerte est donnée et le sous-marin regagne les profondeurs.

L'avion, un Breguet Atlantic de lutte anti-sous-marine, a pris contact  à 07h37 et il fit un premier passage. Il fit de même  à 07h45 pour un second passage. À 07h55 le dialogue est le suivant:

  • Avion: je compte annuler à 08h00 la vérification radar.

  • Sous-marin: je comprends que vous annuliez cette vérification. M'avez-vous reçu?

  • Avion: je vous ai reçu

Dans les quelques minutes qui suivent, l'avion attend du sous-marin un signe de réception de son signal radar. Pas de réponse. Pas non plus de liaison de fin d'exercice ni la formule de courtoisie  habituelle pour souhaiter un bon retour à sa base à l'avion.

Jusqu'à 08h09 le Bréguet essaiera en vain d'établir un nouveau contact. Rien de surprenant vu l'état de la mer et comme la Minerve avait d'autres exercices à faire en plongée elle avait sans doute déjà regagné les profondeurs. À 11 heures un message du commandement des sous-marins en Méditerranée annule tous les exercices et lui donne liberté de manoeuvre.

Ce type de message ne demandait pas d'accusé de réception. On ne saura jamais si la Minerve l'a reçu.

Son retour à Toulon était prévu pour 21 heures.

La Minerve ne rentrera pas. Après un délai d'attente, l'alerte est déclenchée.

Immédiatement, tous les moyens disponibles sont mis en œuvre pour sauver les éventuels survivants. Au-delà de 500 à 600 m de fond, il n'y a aucun espoir. Le sous-marin implose. Mais, si le submersible s'est échoué près de Toulon Il faut faire vite, car il a au maximum 100 h d'oxygène.

Cinq jours au cours desquels toute la zone est passée au crible. Le 1er février, il faut admettre l'évidence. La Minerve et ses 52 marins sont perdus.

Nombre d'hypothèses ont été avancées.

- Une collision en surface : le Bréguet avait signalé deux navires de commerce.

- Une avarie de barre : des défauts avaient été constatés sur d'autres sous-marins du même type.

- Une brusque entrée d'eau par le schnorchel dont le système de clapet automatique, dépourvu de grille, aurait été détérioré par l'entrée d'un objet flottant : dix secondes d'entrée d'eau par une telle cheminée suffisent à déstabiliser gravement la flottabilité d'un sous-marin.

 

Une épave aurait été repérée dans les années 80. Des tôles  seraient réparties sur plusieurs nautiques et la coque épaisse se serait disloquée en percutant le fond à grande vitesse. Elle n'a toutefois pas été identifiée avec certitude.

 

Dans de tels accidents, pour cause de secret défense, il faut attendre  cinquante ans après le naufrage pour que les archives soient ouvertes.  1968 - 2018 le compte est bon. Pour peu quelles contiennent des informations intéressantes peut-être connaîtrons-nous la vérité.

 

Nous étions en pleine guerre froide. Le mur de Berlin n'avait pas 7 ans. La Méditerranée était sillonnée par des navires et des sous-marins de toute nationalité cherchant à obtenir le plus de renseignements sur le voisin. Les équipages avaient une mission, prévenir de toute agression de la part d'un  ennemi qui à l'époque venait de l'est. Les histoires les plus folles ont fait le bonheur de radio coursives. Le sous-marin israélien Dakar ayant été porté disparu deux jours plus tôt il a été évoqué, entre autres qu'il aurait été capturé par les russes avec la Minerve. La découverte de l'épave, au large de la Crête  le 28 mai 1999, soit plus de trente ans après le naufrage , mis fin aux rumeurs.

 

Comme un funeste écho à ce  50ème anniversaire de la disparition de la Minerve, le drame du Sous-marin Argentin San Juan, a rappelé avec violence que le métier de sous-mariniers reste dangereux. Il y avait une femme à bord. C'est un fait assez rare pour le souligner et nous aurons une pensée particulière pour cette pionnière et pour toutes les familles de ces disparus.

 

En attendant des réponses hypothétiques à ces drames vous allez vous demander pourquoi une telle cérémonie, à Bayeux, aujourd'hui.

 

Tout simplement parce que les anciens sous-mariniers du Calvados, appartenant à l'Amicale Béveziers de l'Amicale Générale des Anciens des Sous-Marins ont voulu se souvenir de  l'une des victimes de cette catastrophe et de ses cinquante et un camarades pour leur dire que les  sous-mariniers ne sont jamais oubliés par leurs frères d'armes quelque soit leur nationalité.

 

Il s'agit du second maître électricien Bernard Allix.

Bernard avait 27 ans, il était parmi les plus anciens du bord. Le plus jeune n'avait pas 18 ans, le plus âgé, en général le pacha, à peine un peu plus de 30 ans.

 Il était  originaire de Lisieux, mais il avait épousé une bajocasse, Marie-Jeanne et était papa d'une petite fille, Fabienne.

Marie-Jeanne, se retrouvant seule avec une fillette de quelques semaines est revenue à Bayeux et a travaillé de nombreuses années à la Mairie. Fabienne a fondé une famille et vit à Caen. Elles nous font le plaisir d'être aujourd'hui présentes pour assister à cet hommage rendu à leur mari et père et à ses camarades.

 

Je terminerai mes propos par trois citations.

La première est extraite du discours du Général de Gaulle venu à Toulon pour la cérémonie nationale rendant hommage à l'équipage:

"Des marins sont morts en mer. Ils étaient des volontaires, c'est-à-dire qu'ils avaient accepté le sacrifice et ils avaient conclu un pacte avec le danger."

 

La seconde est de M. Didier Decoin, secrétaire général de l'Académie Goncourt, écrivain de Marine, qui prononça le discours lors de l'inauguration, à Toulon du mémorial  des sous-mariniers sur lequel sont inscrits les 1667 noms des sous-mariniers, morts en service commandé ou pour la France depuis 1905.

" Ils ont offert à la France un supplément de France, une France d’un bleu plus profond, une France sous-marine, abyssale, inimaginable et mystérieuse, qu’ils ont conquise et défendue au péril puis au sacrifice de leur vie.

Une vie à la fois de chasseur et de proie, une vie de confinement, mais de libre choix, de lumière artificielle, mais d’amitié vraie, de tempête en surface, mais de sérénité au cœur, de plongée dans l’obscur, mais de certitude du choix, de grenades et de mines qui désagrègent, mais de solidarité qui refonde.

Plus l’océan s’est assombri, plus leur destin s’est révélé lumineux."

 

La troisième est celle faite officiellement à l'équipage

Citation de l'équipage du 7 février 1968  à l'ordre de l'Armée de Mer

Armant un sous-marin à hautes performances dans les conditions très exigeantes de la navigation sous-marine, ont toujours donné un haut exemple de valeur professionnelle et de dévouement au bien du service. Disparus en service commandé avec leur bâtiment devant Toulon le 27 janvier 1968."

Bayeux - Cinquantenaire disparition Minerve

Caveau familial de la famille Allix à Bayeux avec une stèle à la mémoire de Bernard Allix

Recueillement devant la stèle de Bernard Allix - Cimetière de Bayeux
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